The City of Absurdity   Lost Highway  
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Dr Schizo and Mystère Lynch

David Lynch Following is an interview with David Lynch from the weekly French news magazine L'EXPRESS, issue #9/1/97. I haven't yet found the time to translate it, so you ought to know a little French to read it.

D'où vient le titre de votre film ?

D'une chanson de Hank Williams et deux mots que prononce un personnage du livre de Barry Gifford Night People. J'ai dit à Barry Que j'en aimais la sonorité, qui me porte à rêver. Et il a suggéré que nous écrivions quelque chose … partir de cela.

Comment résumeriez-vous le film?

Je m'en garderai bien! A vous de vous faire votre opinion. J'adore les mystères, mais, une fois élucidés, ils me déçoivent. Tout paraît alors rétréci. Ce que j'aime avant tout, c'est pouvoir poursuivre le rêve. Certains éléments ont besoin d'être connus, mais pas forcément sur le plan intellectuel. Il faut les ressentir, tandis que le rêve est encore palpable. C'est une sensation très agréable. Comme à la fin de Chinatown. Le mystère est résolu, mais vous continuez de flotter.

Plutôt qu'un rêve, Lost Highway laisse une impression de cauchemar, non?

Je n'ai rien planifié. L'idée de départ est un aimant qui attire les autres, avec un pouvoir semblable à une gigantesque étincelle. Ce domaine intuitif est si délicat que le mécanisme se bloque si on en discute trop.

Lost Highway nous place en état de manque. S'agit-il d'un film sur la drogue ou contre les reality shows, la violence et le porno à la télé ?

[Souriant.] Non, non. Pour moi, vouloir faire passer un message, c'est appréhender le film à rebours, d une manière erronée.

Vous avez déclaré aimer « les personnages plongés dans le trouble, les ténèbres et la confusion ». Ça pourrait s'appliquer à Lost Highway?

Tout à fait. Chacun se trouve, à un degré différent, dans cet état, ne serait-ce que pour avancer dans l'existence. Quand tout devient confus et mystérieux, je peux me perdre en compagnie de ces personnages et attendre de voir ce qui va se passer.

Comment avez-vous conçu les décors?

Pour la maison de Fred Madison (Bill Pullman), j'ai choisi la mienne parce qu'il m'est arrivé exactement la même chose que dans le film. Un matin, j'ai été réveillé par la sonnerie de l'Interphone. J'ai répondu et quelqu'un a dit: « Dick Laurent est mort », et puis plus rien. Ma maison (dessinée par le fils de Frank Lloyd Wright) est étrange, avec de petites fenêtres. J'ai dû aller à l'autre bout pour regarder dans la rue. Il n'y avait personne...

Renée, le personnage incarné par Patricia Arquette, ressemble à Betty Page, la pin-up culte des fifties. C'est voulu?

Elle ressemble aussi au « Black Dahlia », Elizabeth Short. Mais la personnalité de Patricia a dicté cela. Avec une actrice, tout aurait été très différent. Selon le principe de l'action-réaction.

Fred Madison, le héros, se dédouble pour devenir soudain quelqu'un d'autre...

La transformation de Fred n'est pas explicable au sens littéral. Même si l'on peut la justifier en termes psychanalytiques. Il existe une maladie, appelée « fugue psychogénique », qui correspond à ce qui arrive à Fred, et dont Barry et moi ignorions l'existence en écrivant le scénario.

Lost Highway est le premier de vos films dont l'action se situe à Los Angeles...

C'est une ville étrange et spirituelle qui me procure un sentiment de liberté. Quand je conduis la nuit, il m'arrive de sentir un parfum de jasmin qui me fait songer au vieux Hollywood...

A propos de Hollywood, quels sont vos rapports avec les studios?

Hélas! ils ne font pas appel à moi. Si mes films rapportaient 100 millions de dollars, le téléphone - n'arrêterait pas de sonner. C'est merveilleux de rester intègre et de gagner de l'argent. Steven Spielberg est l'un des hommes les plus vernis qui soient.

Le cinéma est-il pour vous un moyen d'approfondir la connaissance de soi?

Probablement, mais cela prend du temps. J'ai revu Eraserhead récemment et j'ai appris certaines choses sur moi parce que j'avais enfin une distance suffisante. Chaque film est un voyage personnel, fondé, sur un concept dont vous êtes amoureux.

Qu'est-ce qui vous irrite aujourd'hui?

Le politiquement correct, cette arme à double tranchant. Si l'on s'exprime de manière correcte, cela n'empêche pas le cerveau de fonctionner de manière moins convenable. Ce moyen de répression finit par empêcher toute créativité de s'exprimer. Un film doit traiter d'extrême pour être stimulant, tout en conservant une certaine balance. Lost Highway n'est peut-être pas aussi équilibré qu'il le devrait, mais le thème en est déséquilibre.

Que faites-vous pour vous détendre?

Je pratique la méditation depuis vingt-trois ans, et cela me fait du bien. J'aime aussi rester assis et me mettre à rêver. Tout est là, en vous votre portée. Il suffit d'être attentif.

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© Mike Hartmann
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